TOI AUSSI, PAR TON BAPTÊME, TU ES MON FILS BIEN-AIMÉ !

C’est au moment précis où Jésus s’avance seul, homme parmi les hommes, ne se distinguant en rien de la foule, pécheur parmi les pé­cheurs, lui qui est sans péché, lui « qui était de condi­tion divine » s’étant anéanti jusqu’à prendre la condi­tion humaine et se mettre au nombre des hommes et des pécheurs, c’est au moment où il s’avance pour recevoir le baptême de pénitence et de conversion, que s’ouvre le ciel et que la voix du Père proclame : « Celui-ci est mon Fils Bien-Aimé en qui j’ai mis tout mon amour. »

Frères et sœurs, vous l’avez peut-être remar­qué, dans l’évangile de saint Marc, la phrase du Père n’est pas exactement celle dont nous avons l’habitude et que je viens de citer, dans l’évangile de saint Marc, il est écrit : « La voix du Père retentit : Tu es mon Fils Bien -aimé, en Toi j’ai mis tout mon amour. » Cette phrase, selon saint Marc s’adresse donc d’abord à Jésus lui-même. C’est comme une confidence intime du Père à Jésus : « Tu es mon Enfant, tu es mon Fils, mon Bien-Aimé, mon Unique, le Fils de mon amour », et certains manuscrits écrivent même : « Tu es mon Fils Bien-Aimé, moi aujourd’hui, je t’ai engendré », citant le Psaume deuxième et évoquant ainsi ce mo­ment éternel, ineffable où du sein du Père le Fils a jailli. C’est donc, non pas que le Père engendre Jésus au moment du baptême, mais il échange avec son Fils ce secret intime, éternel, incompréhensible : « De toute éternité, je t’ai engendré, je t’engendre, tu jaillis de mon cœur, de mon amour ». Ainsi donc, cette scène du Jourdain se rattache d’abord à l’évènement éternel de la génération du Fils par le Père au sein de la Trinité et, en même temps, les cieux se déchirent, nous dit saint Marc, et l’Esprit, non pas sous la forme d’une colombe mais à la manière d’une colombe, à la ma­nière de la colombe du premier jour de la création, cet oiseau qui planait sur les eaux pour en faire jaillir la vie, à la manière d’une colombe l’Esprit descend, plane, demeure sur Jésus. Comme de toute éternité, Jésus sort comme Fils du sein du Père et l’Esprit les entoure de la plénitude de cet amour.

Par conséquent cette scène du Jourdain se re­lie d’abord, dans l’intimité du cœur de Jésus, à ce mystère éternel par lequel Il vit depuis toujours dans le sein du Père, dans la tendresse du Père. Mais ce que le Père avait dit à Jésus dans sa divinité, de toute éter­nité, il le lui dit aujourd’hui comme homme. Jésus le Fils de Dieu, le Verbe, s’est fait chair, il a pris chair dans le sein de Marie et c’est cet homme, cet homme-là, homme parmi les hommes, en rien discernable des autres, c’est cet homme à qui le Père répète la phrase éternelle : « Tu es mon Fils Bien-Aimé, en Toi j’ai mis tout mon amour, en Toi j’ai tout l’Esprit de mon amour, tout cet Esprit-Saint qui est notre amour mu­tuel dans la gloire duquel nous rayonnons depuis toujours ».

C’est donc cet homme qui est le Fils, le Fils de Dieu en personne, Dieu le Fils. Mais en même temps que cette révélation est murmurée au cœur de Jésus par le Père, se rattachant ainsi à l’évènement éternel, en même temps, c’est aussi une proclamation, car si saint Marc écrit : « Tu es mon Fils Bien-Aimé », dans l’évangile de saint Matthieu il est dit : « Celui-ci est mon Fils Bien-Aimé ». C’est une proclamation de­vant Jean-Baptiste, devant la foule, devant tous ces hommes qui viennent là pour préparer la venue du Messie, pour devenir un peuple bien disposé, pour convertir leur cœur, pour se retourner de leur péché vers le Salut qui vient, c’est devant tous ces hommes que cette proclamation est faite : « Celui-ci est mon Fils Bien-Aimé, en lui j’ai mis tout mon amour ». C’est pour tous les hommes que Jésus est le Fils de l’amour du Père, c’est pour tous les hommes que l’Esprit des­cend sur Lui, car si saint Marc nous dit : « Jésus vit l’Esprit descendre sur Lui », dans l’évangile de saint Luc il nous est dit : « Et les cieux s’ouvrirent et l’Esprit descendit sur Lui aux yeux de la foule ».

Le mystère de toute intimité, de toute éternité, ce mystère insondable, secret, ineffable, inaccessible, ce mystère est en même temps notre mystère, c’est pour nous que Jésus est le Fils Bien-Aimé, le Fils de l’amour du Père, c’est pour nous que cet homme en tout semblable aux autres hommes est Dieu venu parmi nous. Il est venu pour faire rayonner cet amour du Père, il est venu pour que cet Esprit qui descend sur Lui se répande sur l’humanité tout entière comme les prophètes l’avaient annoncé : « Un jour viendra où l’Esprit sera répandu sur toute chair, alors les vieil­lards comme les jeunes gens seront remplis de cette plénitude de l’Esprit ». Un jour, Jésus ressuscité souf­flera sur ses apôtres en leur disant : « Recevez l’Esprit Saint, cet Esprit qui n’est pas pour moi seul, mais qui est pour vous, et comme le Père m’a envoyé par l’Es­prit, moi aussi par l’Esprit je vous envoie ». Et quel­ques jours plus tard, le jour de la Pentecôte, des flammes de feu et un vent violent se répandront sur Jérusalem et sur la communauté première et depuis, ce vent n’a jamais cessé de souffler, c’est le vent de l’Esprit, ce sont les flammes de feu de l’amour de l’Esprit répandu dans tous les hommes. De même que cette première manifestation que nous célébrons au­jourd’hui a eu lieu sur les bords du Jourdain quand Jésus est baptisé, de même par le baptême que Jésus reprend à son compte, nous serons nous aussi remplis de l’Esprit Saint, nous aussi appelés à être fils de Dieu.

Frères et sœurs, ce que nous célébrons au­jourd’hui, cette manifestation encore mystérieuse, et elle le sera toujours, cette manifestation incompréhen­sible et inimaginable de la Trinité, elle est pour nous. Cette manifestation que nous célébrons aujourd’hui c’est celle de toute la vie de l’Église et qui ne prendra sa plénitude que lorsque l’Église sera le Royaume, que lorsque ce monde passera par le feu pour devenir la demeure de Dieu, des cieux nouveaux, une terre nou­velle où « Dieu sera tout en tous », où l’Esprit nous prendra entièrement sous son ombre et sous sa gloire, et où nous serons pleinement avec Jésus, fils avec le Fils, fils de Dieu contemplant avec Lui le visage du Père.

Frères et sœurs, c’est donc notre baptême que nous célébrons aujourd’hui, c’est le baptême de l’Église : en Jésus, prémices de l’humanité nouvelle, c’est nous tous qui sommes appelés par le Père, à cha­cun de nous cette parole s’adresse : « Tu es mon Fils Bien-Aimé, comme Jésus, celui-ci est mon Fils Bien-aimé, toi aussi chacun, nous sommes, tu es mon fils Bien-Aimé ». C’est au fin fond de notre cœur que le Père s’adresse pour nous dire cet amour éternel, infini, cet amour qui se répand avec l’Esprit, cet amour par lequel le Père a engendré de toute éternité son Fils unique, cet amour, le Père le répand sur nous afin que nous aussi, comme Lui, nous soyons « ses fils », ses enfants, ou plus exactement, pour que chacun d’entre nous soyons « son fils, son unique ».

Oui, frères et sœurs, c’est là le mystère de l’amour de Dieu, nous sommes chacun « unique » aux yeux de Dieu, nous ne sommes pas un numéro dans une foule, un individu dans la masse, nous ne sommes pas confondus, perdus, indistincts, aux yeux de Dieu, chacun de nous est unique à ses yeux, nous sommes chacun : « Mon fils ». Depuis notre baptême naît et grandit en nous cette présence de l’Esprit, ce don du Père, cette transfiguration de ce que nous sommes. Nous n’en sommes pas tout à fait conscients ; hélas, nous vivons souvent comme si cela n’était qu’une théorie, une doctrine, des mots que nous répétons, avec confiance peut-être mais sans bien les compren­dre, et pourtant, c’est la réalité la plus profonde de notre vie. Au plus profond de notre vie, de chacune de nos journées, de chacun des événements que nous traversons, au plus profond de ce que nous sommes, naît, grandit la présence transformante et aimante de Dieu. Cet amour de Dieu est fort pour peu à peu en­vahir ce que nous sommes et nous transformer pres­que à notre insu, mettre en nous cet amour qui dé­passe ce que nous sommes capables de faire par nos propres forces et qui est l’amour même de Dieu, nous enseignant et nous accoutumant à aimer en vérité. Dieu qui s’est accoutumé à être un homme en venant sur la terre en Jésus-Christ, qui s’est accoutumé à partager notre vie, veut peu à peu à travers l’histoire et notre histoire, nous accoutumer à devenir ses enfants, à lui devenir semblables, à vivre de sa vie, à partager son bonheur, c’est-à-dire à découvrir en nous la force de l’Esprit qui est la force de cet amour divin.

Alors, frères et sœurs, n’oublions pas notre baptême. Qu’aujourd’hui cette fête du baptême du Christ soit pour chacun d’entre nous l’occasion de rentrer intérieurement dans notre baptême, et par no­tre baptême, notre vie de pauvreté, de misère, de pé­ché est transformée. Cette vie de l’humanité péche­resse est tout entière transformée, et remarquez-le, dans l’évangile de saint Marc, il n’est pas dit seule­ment comme dans les autres textes parallèles : « Les cieux s’ouvrirent pour que l’Esprit vienne », mais: « Les cieux se déchirèrent », comme si la barrière de notre péché qui isole notre vie de la vie divine, notre terre du ciel, cette barrière était déchirée par l’intensité de la prédilection de Dieu. Alors, soyons sauvés, soyons baptisés, laissons-nous prendre par cet appel de Dieu, par ce choix de Dieu, par cette prédilection divine.

Extrait du site Accueil (cef.fr)

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