« Annonce ce que tu vis et vis ce que tu annonces »

« Que votre parole soit Oui si c’est Oui, non si c’est non. Ce qui est en plus vient du Mauvais » dit Jésus (Math. 5,37)
Frères et sœurs,
Jésus n’était pas normand. Je ne vous apprends rien, sinon il aurait ajouté
: « Peut-être ben que oui… Peut-être ben que non…! Heu là ! » En même temps il serait
sensible à ce que disent les Normands du Bocage qui sont des « faiseux » et non pas des
« diseux ». Mon grand-père qui était un brave paysan du Nord de la France aurait
ajouté : « Moins qu’on en dit… Moins qu’on se trompe… » C’est vrai ! Dans cette société
médiatique, nous sommes envahis et submergés de paroles qui deviennent de simples
bavardages. On aurait tellement besoin de silence comme la musique a besoin des
silences pour mettre en valeur la mélodie.

Je sais bien que la parole va souvent reprocher au silence d’être un silence de mort, alors qu’il est d’abord silence de vie comme la nature nous le montre. En général le silence ne répond pas. Il préfère se taire.
Mais à tout hasard, après avoir longuement réfléchi, il pourrait s’adresser à la parole en
ces termes : « Tu sais bien que l’on chante « paroles … paroles qui s’envolent » alors que
les écrits demeurent. Ne dit-on pas que le silence est d’or et que la parole est d’argent ?
». Déjà un proverbe latin ajoutait: « Verba volant, scripta manent ». Les paroles
s’envolent, les écrits demeurent. Pilate redira cela à propos de l’inscription qu’il a fait
mettre sur la croix de Jésus : « Ce qui est écrit, est écrit ».
Mais c’est encore Pilate qui dira comme un bon politicien : « Qu’est ce que la
vérité ? » Vous voyez que cette question ne date pas d’aujourd’hui. On ne sait plus qui
dit la vérité. Je pense à cet homme qui osait affirmer avec humour : « Si je l’ai dit, je
me dédis et je me moque pas mal de celui qui l’a dit. » Au fond, cet homme se moquait de
lui-même mais aussi de ceux qui l’écoutaient. Il semblait dire : « ne vous fiez pas à ce
que je vais vous dire. Je suis capable de dire une vérité et son contraire. » Au fond il n’y
a plus simplement de vérité. « Tout cela vient du Mauvais » dit Jésus qu’il écrit avec un
grand M, c’est-à-dire le Malin, le diable. On a l’impression que dans cette société
médiatique, on ne peut plus se fier à personne. Ceci est grave. Or ma parole m’engage.
Lorsque je dis à quelqu’un : « Je te donne ma parole », cela veut dire que tu peux compter sur moi, que ceci est vrai. » Dans cette société que l’on appelle médiatique,
nous avons l’impression qu’il n’y a plus de parole fiable.
La Parole de Dieu
« Toute parole de Dieu est garantie ; c’est un bouclier pour ceux qui cherchent en
lui un refuge » dit la Bible (Proverbes 30,5). Les plus anciens se souviennent peut être
de ce temps où le prêtre lisait l’évangile en latin et où l’on suivait la traduction dans son
missel. Le Concile Vatican II avait demandé que l’accès à la Sainte Ecriture soit
largement ouvert aux chrétiens. Il disait : « La force et la puissance que recèle la Parole
de Dieu sont si grandes qu’elles constituent, pour l’Eglise, son point d’appui et sa vigueur
et pour les enfants de l’Eglise, la force de leur foi, la nourriture de leur âme, la source
pure et permanente de leur vie spirituelle ». Thérèse écrivait à la fin de sa vie si
courte : « Pour moi, je ne trouve plus rien dans les livres, si ce n’est dans l’Evangile. Ce
livre là me suffit ».
Mais avez-vous remarqué qu’il s’agit ici de la Parole de Dieu… c’est une parole qui
s’est faite chair, c’est le Verbe, le logos de Saint Jean … c’est Jésus le Christ qui par
toute sa vie et tout son être est devenu Parole de Dieu. Si l’homme contemporain écoute
plus volontiers les témoins que les maîtres à penser, on ne peut pas dire que Jésus ait
été un maître à penser. Il a été témoin par toute sa vie. Il est le visage de Dieu sur
notre terre par tout son être… c’est en se sens qu’il est Parole de Dieu.
S’il avait suffi d’un livre pour croire, Jésus aurait pu nous donner l’Evangile tout
simplement. Or, le chrétien croit en quelqu’un qui est le Christ. Le dimanche matin il y a
des croyants qui se rassemblent dans les églises mais il y a bien plus de Français qui vont
jouer au loto ou au quinté plus. Ils croient plus au loto que dans le Christ. Oser mettre
sa confiance dans le Christ aujourd’hui est un véritable défi dans notre société. Rien
n’est impossible à Dieu. Il répond toujours à la mesure de notre foi. Il nous est demandé
de devenir des hommes et des femmes de foi pour notre temps .La foi des hommes
précède l’action de Dieu. C’est généralement après un acte de foi que Dieu vient à notre
secours. Il sait reconnaître la fidélité de ces hommes et ces femmes de foi, patients et
aimants qui osent dire, chaque jour : « Que ton règne vienne ». Frères et sœurs, peu importe votre âge. Ainsi, en est-il de votre foi. Elle n’a pas d’âge car elle demeure à jamais un acte de confiance dans le Christ.
Notre vie : Un évangile vécu.
L’Evangile n’est pas fait uniquement pour être lu le dimanche à l’église, il
est fait pour être vécu. Saint Augustin écrit : « Annonce ce que tu vis et vis ce que tu
annonces ». De même, on ne peut saisir l’eau dans la main. Elle s’échappe entre les doigts.
De même, la Parole de Dieu, elle s’échappe entre les raisonnements humains. On ne peut
posséder l’eau qu’en la buvant, en la faisant passer dans le corps. De même, on ne peut
posséder la foi qu’en la vivant. On ne perd pas la foi comme on perd ses clés de voiture.
On la perd simplement en ne la nourrissant pas. La foi, on ne la transmet pas comme une
armoire normande à ses petits enfants. C’est en les invitant à aller à la source, au Christ
lui-même, qu’ils seront désaltérés. Même si l’eau du robinet est potable, l’eau de la
source est fraîche. Les jeunes générations ont soif de l’eau de la source. Madeleine
Delbrel disait : « L’Evangile est le livre de notre vie… Il n’est pas fait pour être lui mais
pour être les paroles de l’Evangile nous pétrissent, nous assimilent pour ainsi dire à
elles ». . Nos contemporains attendent de nous que nous témoignons de nos raisons de
vivre, nos raisons d’aimer, nos raisons de croire. L’homme a besoin de sens, sinon il se
déshumanise. Alors, n’hésitons pas à transmettre cette Parole de Dieu que nous avons
reçue et qui nous fait vivre.
 Jean-Claude BOULANGER –
Evêque de Bayeux – Lisieux

Extrait du site https://bayeuxlisieux.catholique.fr/

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