Il est parfois étonnant de constater l’impact que l’inversion des mots peut avoir sur leur sens. Dans les prochains jours, à grands cris, on se souhaitera sans doute une « bonne année ». Mais qu’est-ce qu’on se souhaitera au juste? Sans doute les grands classiques: la santé, pas de gros soucis d’argent, pas trop de mauvaises nouvelles… Constatons que ces grands standards sont plutôt individuels – comme si je pouvais être heureux si les autres ne le sont pas – et plutôt hasardeux – comme si ces heureux vœux allaient me tomber dessus.
A suivre cette logique, difficile de parler de 2020 comme d’une « bonne année ». La santé – physique et psychique – de beaucoup de trop de personnes a été mise en péril. Le ralentissement de l’économie a plongé de nombreux citoyens dans la pauvreté. Quant aux mauvaises nouvelles, elles sont pratiquement devenues la norme…
Et si on changeait de regard? Et si, au lieu de se souhaiter une « bonne année », on se souhaitait une « année bonne ». Un peu comme lorsque, à l’aube du grand départ, on prend le temps de regarder dans le rétro, et de se demander si l’on a mené « une vie bonne ». La perspective est différente. Car la vie bonne ne se caractérise pas d’abord par les biens objectifs ou les résultats. Bien davantage, elle est une manière de vivre. Une façon de rechercher ce qui est bon. De déployer ses talents. De viser l’épanouissement humain – le sien et celui des autres.
De ce point de vue, 2020 n’a peut-être pas été un échec. On a vu des personnes offrir ce qu’elles avaient de meilleur. Se mettre au service. Panser des blessures. Penser un monde nouveau. S’engager en faveur d’une société plus juste. Il y eut, en 2020, des vies offertes et des cœurs transformés. Il y eut, en 2020, des instants d’éternité et des avant-goûts du Royaume.
C’est dans cet esprit que je désire vous souhaiter une « année bonne ». Une année qui vous permette de déployer vos ailes. De gagner en humanité. De grandir en fraternité. Une année qui vous permette de prendre soin, de servir, d’aimer et de vous laisser aimer. En formulant ces vœux, nous ignorons de quoi l’avenir sera fait. Mais nous savons que, quelles que soient les pandémies qui nous tomberont dessus, nous pourrons, dans un an, nous arrêter un instant. Et constater que 2021 aura été une « année bonne ».
Vincent DELCORPS, extrait du site http://www.cathobel.be