33ème Dimanche du temps ordinaire C

Petit à petit, l’année liturgique s’avance vers son terme. Une atmosphère bien particulière enveloppe ces temps qui nous conduisent vers l’avent et vers la lumière discrète de Noël brillant au creux de la nuit. L’obscurité augmente, les jours raccourcissent encore, le froid nous pousse à bien fermer nos maisons, à rester près de la chaleur accueillante du foyer. Temps d’intériorité. Temps de fête aussi, que les enfants, grands et petits, attendent et préparent soigneusement…
Mais c’est dans un climat tout empreint de gravité que les derniers dimanches de l’année liturgique nous font entrer. Comme si, avant que ne s’ouvre doucement, de façon presque imperceptible, le chemin d’un renouveau, il nous fallait toucher le côté le plus austère du message de Jésus, et entendre à nouveau ces grands textes de jugement, ces annonces dramatiques, ces mises en garde dont les enjeux quasiment cosmiques ont dû secouer ses auditeurs et les éveiller à un aspect plus profond, plus crucial et peut-être inattendu, de la mission de leur maître. Le genre littéraire de ces textes porte le nom d’« apocalyptique ». Bien souvent, lorsqu’on parle d’apocalypse, on pense à l’annonce de catastrophes, humaines ou naturelles : guerres ou tremblements de terre, par exemple. Certaines sectes en profitent pour annoncer la fin des temps, et cherchent dans la Bible ou dans les calendriers mayas les indications qui permettent d’en déterminer la date. Les grandes fresques du livre de l’Apocalypse donnent à ces prédicateurs qui jouent sur nos peurs archaïques, une abondance de grain à moudre. Dans l’évangile que nous venons d’entendre, rendons-nous compte que Jésus déjoue les pièges de ce langage difficile et ne se met pas dans les traces de ces prophètes de malheur, à l’instar du fou de « L’étoile mystérieuse », cette aventure bien connue de Tintin.
Jésus est lucide. Bien sûr, il est question, dans son discours, de bouleversements importants, de l’annonce d’une situation où les références les mieux établies et apparemment les plus stables, seront anéanties. Mais d’emblée, il précise qu’il ne s’agit pas de la fin du monde, et par conséquent, il invite à un travail de discernement plus approfondi, il met en garde contre une lecture trop superficielle qui pourrait nous impressionner. Jésus ne rentre pas dans une lecture catastrophiste de l’histoire. Lecteur familier de la Torah, il en partage l’optimisme réaliste et cependant fondamental.
D’un autre côté, il considère déjà que ses disciples doivent se préparer à vivre un destin comparable au sien. La foi en Jésus ne nous préserve pas des affrontements et des prises de position problématiques, qui peuvent même à l’occasion susciter de l’hostilité. Mais Jésus nous fait prendre conscience que la relation qui se noue avec lui, ouvre le cœur au travail de l’Esprit, et permettra de donner sens et de témoigner jusque dans les situations les plus douloureuses, de l’agir de notre Dieu, ce Dieu humble et vulnérable, mais irrésistible cependant. Comme pour Jésus, là se vérifiera, d’une façon ultime, la force de l’Alliance libératrice que Dieu nous offre depuis toujours. Là s’élèvent les colonnes qui maintiennent et soutiennent l’univers. Y croyons-nous ? Lorsque tout s’effondre, pouvons-nous encore miser sur cet impalpable don de Dieu ? Comme le dit Etty Hillesum dans une magnifique prière : « Il faut avoir un soleil intérieur accroché entre les côtes, si l’on veut éviter d’être psychologiquement victime. Les menaces extérieures s’aggravent sans cesse, et la terreur s’accroît de jour en jour. Je me retire dans la prière comme en une cellule monastique, et j’en ressors plus forte, plus ramassée. Cette retraite dans la cellule bien close de la prière devient pour moi une réalité de plus en plus forte et nécessaire. »
Jésus ne nous promet pas une vie sans problème. Ce qu’il nous donne, c’est ce soleil intérieur dont parle Etty Hillesum. C’est peu, sans doute, mais paradoxalement, c’est tout !
Là, nous pouvons comprendre que les discours apocalyptiques entendus dans ces dernières eucharisties de l’année liturgique, ne sont pas une annonce de la fin du monde, au sens où pourraient l’entendre des journalistes en mal de nouvelles spectaculaires. On ne nous parle pas du terme chronologique de l’histoire, mais de sa fin, comprise autrement : sa finalité. Que se cache-t-il au cœur de l’univers, quelle en est la clef de lecture, pourrais-je dire ? C’est l’Alliance que Dieu propose à son peuple, et que Jésus est venu renouveler, qui révèle vers quelle fin le monde entier s’oriente. Et lorsqu’il nous associe à sa mission, nous invitant à laisser l’Esprit de sainteté nous travailler, Jésus fait de nous ses frères, au sens le plus fort du mot, nous chargeant à notre tour de tout ce qui l’a habité depuis qu’il est sorti de Nazareth, nous rendant capables de réveiller les étincelles divines endormies dans chaque vie, capables de mettre la réalité tout entière sous une autre lumière, capables d’en dévoiler encore aujourd’hui la vraie finalité.
Jésus nous ouvre au sens ultime de la création dans sa totalité, au sens ultime de chaque personne, là où le Père nous appelle à venir à lui pour nous découvrir de quel amour nous sommes aimés. Désirés, voulus par ce Dieu-là, nous savons que notre vie n’est pas absurde, puisqu’au cœur de l’infini divin, nous comptons infiniment. Car tout geste d’amour révèle que l’être aimé, tel qu’il vient, tel qu’il se montre, devient semence d’avenir, constructeur d’espérance, éveilleur de vie, porteur, en quelque sorte, de l’âme même du monde.
Fr. Étienne Demoulin extrait du site http://www.wavreumont.be

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