Une année se termine, une année commence. Un évangile est déclaré lu, un autre se présente à nouveau dans l’arroi des temps liturgiques et des semaines. Nous venons juste de dire au revoir à celui de Luc, que nous entrons aujourd’hui dans celui de Matthieu. Nous l’ouvrons en son 24ième chapitre, près de son terme (au chapitre 28), vers l’endroit où le lecteur s’apprête normalement à le quitter au terme de sa lecture continue. Pourrions-nous ainsi commencer aussi bien par la fin que par le début ?… Cela nous dit que plus que la lettre, ce qui compte est ce qui va se passer entre le lecteur et l’Esprit qui habite ces pages. Ouvrir le livre nous demande d’abord d’être attentif… à quoi ? A ce que nous lisons, mais aussi à ce qui fait la texture de nos vies. Que nul n’entre sans désir dans la lecture de l’Evangile (comme pour tout ce qui nous rend humain), que nul n’entre sans présence à soi, à ce qui lui arrive… L’Eglise en ce début d’année nous rappelle donc cette attitude de fond…
C’est peut-être à partir de ce point de vue que nous pouvons comprendre cet apparent arbitraire, qui peut paraître injuste « Deux hommes seront aux champs : l’un est pris, l’autre laissé. Deux femmes seront au moulin : l’une est prise, l’autre laissée ». Rien ne semble distinguer les deux membres de la paire, pourquoi cet homme-là, pourquoi cette femme-ci, rien de l’extérieur ne semble les distinguer. Et c’est bien de cela dont il est question. Prendre en compte autre chose que l’extérieur : mon intérieur, ma manière la plus intime d’être avec moi-même, d’être attentif, en éveil… D’ailleurs le mot surgit «Veillez donc, car vous ne connaissez pas le jour où votre Seigneur viendra»…
« L’avènement du Fils de l’homme ressemblera à ce qui s’est passé à l’époque de Noé » Ce qui advient ne sera pas compris sans cette forme première de l’attention, nous ne verrons pas le départ de Noé, l’arrivée de l’Enfant sans cela, le changement dans l’être aimé, sans cette attention, cette disponibilité, ce cœur qui se rend disponible à tout, à rien, au silence… Tout être humain en est capable, il est cette attention qui, par le respect, fait surgir le monde…
Le temps de l’Avent, de ce qui va commencer, nous appelle à l’attente, à la disponibilité sans fond. L’avent, c’est d’abord chercher l’attitude pauvrement corporelle de l’attente, c’est, dans le noir de sa chambre, contempler la flamme vacillante de la bougie et de réaliser ainsi qu’Il vient, que nous attendons qu’Il prenne forme et visage, mais qu’il est déjà là en cette attente qui me tient éveillé… Bonne année liturgique !
Père Jean-Luc Fabre, extrait du site https://jardinierdedieu.fr/