Durant des siècles et dès le début de son existence, l’Église a dû lutter contre le mépris de la matière et particulièrement de la chair car cela amena certains à refuser à Jésus un vrai statut d’homme de chair et d’os.
Pourtant cette tenace méfiance de la chair reste toujours inscrite dans beaucoup de ses enseignements. Les anciens parmi nous se rappellent sûrement cette image de l’âme, pur esprit, prisonnière d’un corps lourd et pécheur…
Comment peut-on mépriser l’humanité charnelle alors que le Fils de Dieu s’y est incarné, lui donnant une nouvelle dignité et continue de le faire par son Esprit Saint envoyé d’en haut ? C’est cela qui nous donne le droit d’affirmer que c’est dans ces corps mortels, que c’est à travers cette vie humaine dans toutes ses dimensions : amoureuse, laborieuse, créatrice, mais aussi politique, conflictuelle, économique… que nous pouvons reconnaître Dieu et le rencontrer.
Le premier temps de notre relation d’amour avec Dieu sera donc celui de l’éducation de notre regard afin de Le découvrir.
Ne passons pas dans notre vie les yeux levés benoîtement vers le ciel. Plongeons-nous dans cette humanité lourde, pénible, décevante… mais aussi ô combien généreuse, surprenante, pétillante de vie et de joie…Mais surtout ne la confondons pas avec la vie déjà distillée et filtrée par les chaînes de télévision, une sorte de réalité virtuelle, prenons celle de nos voisins réels, celle que des rencontres parfois inattendues mettent dans notre champ de vision et d’action.
La vie aussi de ceux qui nous font peur à cause de leur différence…
Pour cela il faut évidemment sortir de chez soi, mais aussi sortir de nous-même. N’oublions pas : c’est là le premier pas obligé de notre “danse avec Dieu.”
Le deuxième temps nous invite à aller un peu plus loin et d’affiner notre regard.
Dans ce monde que nous connaissons il y a en gros deux éléments : de l’humain et de l’inhumain. C’est dans l’humain que Dieu s’est incarné, qu’il s’incarne. L’essentiel ne réside donc pas dans la technologie, le développement, l’écologie… mais dans l’humain, la promotion de l’homme, de la femme parce que fils et filles de Dieu. Le reste est à leur service. Nous avons donc le droit de dire : Est selon Dieu ce qui va dans le sens d’une plus grande dignité, d’un plus grand respect de l’homme. Est mauvais tout ce qui l’amoindrit, le défigure, le rend esclave.
Discerner cela exige nombre d’observations et d’échanges, de réflexion et de discussions… et cela doit concerner chacun et chacune. N’attendons pas des religions, particulièrement de la nôtre, des recettes rapides et toutes faites. Les questions posées aujourd’hui sont d’une telle complexité : euthanasie, clonage, I.V.G., expérimentations sur les embryons… qu’il faudra l’apport de toutes les disciplines, de tous les courants de pensée humanistes, pour trouver ce qui va vraiment dans le sens de cette dignité inaliénable de chaque homme.
Évidemment on ne pourra s’arrêter à ce deuxième pas.
Car le troisième pas c’est s’engager. Il ne suffit pas de réfléchir, il faut aussi, se mouiller comme on dirait aujourd’hui. C’est ainsi que Paul, l’apôtre des nations, engagea toute sa personnalité pour venir en aide à Onesime un esclave en fuite, en s’identifiant pour ainsi dire avec lui. “Accueille-le comme si c’était moi”.
“Engagé” Jésus aussi s’est entièrement dans l’humanité et même jusqu’en ce qu’elle a de plus humiliant : la mort sur une croix comme blasphémateur – le comble pour un Fils de Dieu ! – identifié à des brigands de grand chemin, un terroriste ! Et voilà qu’il nous demande, si nous voulons être de ses disciples, de sa race, de le suivre. C’est-à-dire de pousser, avec une lucide prévoyance, en osant prendre des risques, notre engagement dans l’humanité aussi loin que lui. Désormais nous savons que c’est cela, ce n’est que cette voie qui sauvera l’humanité en la faisant déboucher sur sa réussite totale : la pleine Résurrection.
Extrait du site https://notredamedes3vallees.be/