Les récits de la Passion occupent une place considérable, quasiment disproportionnée, dans chacun des quatre évangiles. Et leur allure tranche sur celle des autres récits de la vie publique de Jésus : ils ne sont plus un ensemble de petites péricopes accrochées les unes aux autres, mais ils forment chaque fois un grand ensemble articulé et cohérent. Que les heures douloureuses de la vie de Jésus aient à ce point occupé la mémoire et l’attention des premières communautés chrétiennes jusqu’après le matin de Pâques est très surprenant. Cela indique que le cauchemar du Vendredi saint est une page à éviter de tourner trop vite. La Résurrection jaillit de la Passion même. Elle est tout le contraire d’un « happy end ». Le christianisme n’est pas une religion de l’évasion. Chaque évangéliste lit les événements à sa façon. Ce dimanche rapporte le point de vue de Luc. Pour lui, la relation du disciple à son maître est au centre. Il est ainsi peut-être l’évangéliste qui invite le plus à se sentir impliqué dans le récit de la Passion. Quelle est mon attitude au moment (qui dure jusqu’à la fin des temps, selon Pascal) où Jésus, l’innocent, subit son procès et sa condamnation ? Serai-je ultimement le bon ou le mauvais larron ? Me revient ce mot du père Lebret, inspirateur de l’encyclique Populorum progressio : «Tant que la Croix n’est pas dans notre peau, comme la charpente qui soutient tout en notre corps […] nous ne sommes pas encore chrétiens, pleinement insérés dans le Christ, parce que désirant sa lumière et sa paix, nous répugnons à le suivre dans la souffrance qu’il endura pour nous.»
Par l’Abbé Pascal, extrait du site https://saintenoispascal.com/