Les mages : modèles pour les croyants

Beaucoup cherchent des explications à la crise actuelle. Certains avancent le fort taux de chômage, d’autres l’afflux massif de réfugiés. Pour ma part, je suis persuadé que même si nous venions à bout de ces problèmes, rien ne serait véritablement résolu. On entend peu de gens qui disent que la crise actuelle vient d’un défaut de réflexion.

Même dans nos milieux, on entend parfois des gens qui laissent entendre que pour être un bon paroissien, il ne faudrait pas trop réfléchir. En fait c’est exactement l’inverse qui est vrai. N’oublions pas qu’un des principaux reproches que les Réformateurs faisaient au clergé de l’Eglise romaine, c’était de ne pas être assez éclairés, dans la mesure où beaucoup de prêtres étaient incultes. Tous les réformateurs ont su s’entourer d’humanistes pour engager un dialogue avec la culture de leur époque.

Alors dans notre époque qui se complaît à critiquer le monde intellectuel, dans une époque où c’est parfois devenu une critique d’être considéré comme un intellectuel, il est salutaire de relire le texte choisi pour ce dimanche de l’Epiphanie.

Car notre récit d’Evangile met au premier plan les intellectuels de l’époque. Les mages n’étaient pas des juifs et ils versaient dans les religions extra-bibliques, mais ils représentaient l’élite culturelle internationale. Car derrière les mages, c’est bien le monde intellectuel dans ce qu’il a d’universel qui est mis en avant par ce texte.

Ils dominaient le savoir de leur époque. Ils excellaient dans tous les domaines : c’étaient un peu des touche-à-tout. Nous ne savons pas exactement de quel pays ils viennent. On nous dit qu’ils viennent de l’Orient. C’est un terme vague. Les mages peuvent venir de Perse, ou encore de l’Arabie. Comme la reine de Saba qui était venue chercher la sagesse auprès du roi Salomon, ils cherchent Dieu et leur travail intellectuel les a amenés à comprendre que c’est en Israël qu’ils la trouveront.

C’est leur culture qui les conduit au Christ et qui leur permet de reconnaître le Christ. En cela, les mages de l’Evangile nous montrent que la réflexion intellectuelle est bien un chemin pour s’approcher de Dieu.

En faisant intervenir des étrangers dès au début de son Evangile, Matthieu donne à la naissance de Jésus une portée universelle. Dès les premières lignes, il nous montre que la manifestation de Jésus s’offre en adoration à tous les hommes, quelle que soient leur origine et leur culture. En choisissant de présenter les choses ainsi, il fait preuve d’une très grande ouverture d’esprit, car il n’était pas bien vu pour un juif de penser qu’un d’étranger pouvait avoir une quelconque pertinence en matière de religion.  

Luc avait choisi de révéler la naissance du Christ à des bergers, Matthieu préfère la révéler à des mages. Alors que les bergers étaient des gens simples, les mages brillent par leur sophistication intellectuelle. Ces approches différentes sont une manière de nous montrer que l’Evangile s’adresse à tous, et que les intellectuels ne sont pas en reste.

Comment dire plus clairement l’importance de la réflexion intellectuelle pour la foi chrétienne, puisque c’est à eux qu’est fait l’honneur d’être les premiers à se trouver en présence du Christ. L’Evangéliste nous appelle ainsi à vivre une foi éclairée par la raison.

Dans ce récit, ce ne sont pas les plus religieux parmi les juifs, mais ce sont ces intellectuels étrangers qui sont érigés en modèle par notre Evangéliste. Car ils sont véritablement des modèles pour le croyant d’aujourd’hui : ils n’ont pas hésité à quitter leurs sécurités pour voir le Christ ; ils ont parcouru des étendues immenses et leur voyage s’est déroulé sur plusieurs semaines ; ils font preuve d’une quête spirituelle authentique et sincère.

Et pour découvrir le Christ, ils font tout naturellement appel à leur raison. C’est pourquoi ils se rendent d’abord à Jérusalem. En effet, pour quelqu’un qui raisonne de manière logique, il semble évident que le Christ doit naître dans la capitale religieuse et qu’il faut s’adresser à celui qui y détient le pouvoir politique, à savoir Hérode.

Mais non, c’est une fausse piste, et Hérode va se révéler un ennemi. Les mages font ici une découverte capitale : en bons intellectuels ils sont capables de remettre leur raisonnement en question. Ils se rendent compte que la recherche intellectuelle ne suffit pas et qu’elle doit être éclairée par une dimension spirituelle.

Si les mages ont pu trouver le Christ, c’est parce qu’ils ont su mettre leur culture au service de leur quête spirituelle.

Ce n’est pas par hasard que ce récit d’Evangile a été choisi pour ce dimanche de l’Epiphanie. En tant qu’étrangers, les mages ont une dimension universelle : ils nous renvoient à l’humanité pensante, avec ses connaissances et son savoir. Il est important de le rappeler dans un temps où notre société est tentée par le repli sur soi.

Une tradition arménienne qui remonte au VIe siècle a vu dans les mages trois personnages, parce qu’ils apportent trois présents : l’or, l’encens et la myrrhe ; on leur a donné des noms : Gaspard, Melchior et Balthazar. Plus tard, au XIVe siècle, on leur attribue une origine géographique : l’Europe pour Melchior, l’Asie pour Gaspard, et l’Afrique pour Balthazar. Ces trois continents représentent la totalité du monde connu à l’époque.

Ces traditions successives ne trahissent pas le message du texte biblique, puisque l’Evangéliste avait déjà voulu mettre l’accent sur l’universel en faisant intervenir des mages étrangers venus de l’Orient.

L’Epiphanie nous rappelle que Jésus est venu se manifester aux hommes quelle que soient leurs cultures. Ce récit d’Evangile nous montre que la raison ne s’oppose pas à la foi. Notre protestantisme a toujours cherché à avoir une foi éclairée qui ne s’appuie pas sur le sentimentalisme, mais sur la raison. C’est pourquoi ces mages, en mettant leurs talents intellectuels au service d’une recherche sincère et authentique, sont pour nous un modèle de foi.

Je souhaite que dans cette année nous soyons fidèles à notre héritage protestant et que nous nous associons la foi à la culture et la culture à la foi.

Amen.

Bernard Mourou, extrait du site http://www.eglise-protestante-unie.fr

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