Dernièrement, je me suis rendu au cirque pour profiter d’une de ses représentations. A un moment donné, comme ils en ont l’habitude chaque fois, plusieurs personnes ont fait un tour de piste sous les projecteurs et les applaudissement du public. Le présentateur rendait hommage aux travailleurs de l’ombre, garçons de piste, gardiens d’animaux et autres accessoiristes. Ces travailleurs de l’ombre se sont avancés sous les projecteurs, tout heureux d’être brièvement reconnus. Projecteurs malgré tout bien faibles, en regard du soleil puissant et aveuglant qui brillait à l’extérieur du chapiteaux.
Notre société propose tout un éventail de possibilité de gagner sa vie. des travailleurs de l’ombre, qu’on ne présente même jamais, jusqu’aux stars qui peinent à se cacher des média. Sommes-nous nous-même des héliotropes comme les tournesols. Des chercheurs de lumière? Mais quelle lumière?
Comment est-ce que la Bible nous invite à passer de l’ombre à la lumière ? Il me semble que c’est une thématique commune des 3 texte que nous venons d’entendre : le prophète Malachie nous rappelle une promesse de Dieu : un jour nous sortirons comme des veaux de l’étable au printemps. Je ne sais pas si c’est un spectacle que vous avez déjà vu, mais c’est vrai qu’on voit rarement des animaux manifester autant leur joie qu’à ce moment-là. Si vous connaissez un paysan, demandez-lui à quelle date il libérera son bétail de l’hiver et les amènera au champ pour la première fois de l’année. Voilà à quoi ressembleront les fidèles au jour que Dieu nous promet.
Quant à Paul, il encourage à persévérer dans le travail qui ne se voit pas forcément, mais qui est un témoignage fort pour le monde : le chrétien n’a pas besoin de recevoir la reconnaissance des hommes. La promesse de la reconnaissance de Dieu lui suffit. Il n’y a aucune gloire, selon lui, à être à la charge des autres. Au contraire : quand les autres nous servent notre pain, nous ne le méritons en fait pas.
Quant à Jésus : il tient haut cette promesse : pas un cheveux de votre tête ne sera perdu, malgré les horreurs que le monde vous fera subir, malgré l’ombre dans laquelle les hommes vous jetteront à cause de votre foi : c’est par votre persévérance que vous gagnerez la vie. la Bible en français fondamental traduit ce dernier verset en disant : Résistez ! c’est ainsi que vous sauverez vos vies. Ce verbe résistez m’a fait bien sûr penser à celui qui est gravé dans la pierre au coeur la tour de Constance à Aigue-Morte, au sud de la France, par la protestante Huguenote Marie Durant. Marie qui est restée enfermée là par le pouvoir catholique durant ?an pour n’avoir pas voulu abjuré sa foi réformée.
Comme les veaux durant l’hiver, comme Paul travaillant jour et nuit pour gagner son pain, comme Marie Durant en captivité, comme les disciples malmenés du Christ : Nous-aussi – qui sait – aujourd’hui ou un autre jour, traversant une nuit douloureuses d’opposition à notre foi, nous sommes invité à réaliser quelle est le vrai passage que Dieu nous propose, quand nous espérons passer de l’ombre à la lumière.
Ici-bas, la société évolue comme une plante. Certains assurent ses racines cachées, d’autres font la force du tronc, d’autre encore se montrent discrètement et utilement comme l’écorce. Certains sont branches porteuses, d’autres feuilles pour capter l’énergie du ciel, d’autres sont des fruits magnifiques comestibles ou immangeable. D’autres sont la vermine qui rongent ou comme la moisissure qui attaque les parties les moins ventilées et les moins saines de la société.
Bientôt, nous serons appelé aux urnes pour dire si nous souhaitons que l’état serre la vis aux étrangers dont on dit qu’une partie trop importante profiterait de notre société sans amener de compensation suffisante. Souvent des personnes obligées de travailler dans l’ombre ou que personne ne veut engager, et qui, du coup, sont contraintes de parasiter la société.
L’apôtre Paul dit : Celui qui ne travaille pas : qu’il ne mange pas non plus. Voilà une injonction qui devrait secouer autant les paresseux que la société quand elle peine à offrir du travail digne à chacun.
Quoiqu’il en soit de façon générale, la question se pose à chacun en particulier : dans cette plante, dans notre société : quelle sera ma place. Celle que l’on me donnera ou celle que je vais prendre ? Ici à Grandchamp ou dans le monde du travail, selon ma vocation ou selon ce que je considère comme des nécessités. Ma place sera-t-elle discrète ou source d’admiration pour mes semblables ? Vais-je trouver ma place uniquement pour gagner mon pain et me loger ou vais-je contribuer au développement de la plante ? Vais-je payer de ma personne et de ma vie pour que la société vive ou vais-je profiter de ce que cette société m’apporte pour minimiser mes efforts ?
Vais-je payer de ma personne ou vais-je me préserver ? Vais-je me contenter de l’ombre ou vais déployer mon énergie pour passer sous les projecteurs ? Les projecteurs des hommes, ou les projecteurs de Dieu ?
Vais-je orienter mon énergie vitale sur ma propre personne, sur ma famille, sur mon village ? Sur les avancées technologiques, sur le soutien aux plus faibles, sur le soin à la création ou sur la promotion de la spiritualité, de ce qui nous unit à Dieu ? Qu’est-ce qui sonne juste ? Qu’est-ce qui semble entrer en adéquation avec la vie que je reçois aujourd’hui ?
Les jeunes peinent aujourd’hui à trouver leur vocation. Et même en cours de route, en cours de carrière, nous sommes de plus en plus nombreux à nous arrêter et à nous interroger : suis-je à la bonne place ?
Ma vie est en train de passer : suis-je en train de la réussir ou de la gaspiller ? Quand je vois celles et ceux qui brillent alors que je suis dans l’ombre. Est-ce juste que ma vie passe sans que je n’aie jamais été reconnu ? Est-ce juste que ma vie demeure dans l’ombre ? C’est là que des Mère Térésa et autres Martin Luther King nous font saliver : eux ont été reconnu à la lumière des hommes et nous pensons qu’ils l’ont aussi été par la lumière de Dieu. Allier les deux choses : voilà qui ferait du bien à notre égo.
« Regarde, Jésus, ces belles pierre, ces magnifiques objets offerts à Dieu ! » Les artistes ne se sont-ils pas surpassés pour le plaisir des hommes et pour le plaisir de Dieu !?
– Ce que vous contemplez, répond Jésus, ce que vous admirez, des jours vont venir où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit.
Quoi !? … Mais c’est très choquant ça !
Si même ce qui brille, ce qui suscite l’émerveillement, et qui a été construit pour la gloire de Dieu sera détruit,
à combien plus forte raison, ce qui brille, ce qui suscite l’émerveillement et qui a été construit pour la gloire des hommes n’est que du vent, qu’illusion.
Malachie compare cela à de la paille. La paille, ce sont les tiges blonde des champs de blés qui ont brillé au soleil et ont suscité l’émotion admirative de celles et ceux qui les ont contemplées.
Au jour de Dieu – c’est à dire au jour du Jugement – c’est à dire au jour qui déterminera ce qui effectivement aura eu de la valeur ou non – Au jour de Dieu, la paille sera brûlée, coupée de ses racines et de ses feuilles.
Aujourd’hui déjà, le jour du jugement nous permet de mesurer la valeur de notre vie. sommes-nous de belles pierres, sommes-nous de beaux objets offert à Dieu ? sommes-nous comme la paille du blé qui danse au vent et brille aux rayons d’un soleil chaud ?
Mais l’automne, son froid, ses brumes, ont mis un terme à la gloire de la paille. La nuit s’avance et couvre de son ombre tout ce qui a brillé durant l’été. Seule l’espérance d’une lumière discrète et vraie au seuil de l’hiver me révèlera ce qui demeure chaud et indestructible. La naissance du fils de Dieu comme révélation de ce qui aura vraiment de la valeur dans ce monde, comme révélation de ce qui aura vraiment de la valeur dans ma vie d’homme, dans ma vie de femme.
Quand Dieu allume en moi le feu de son amour ; quand l’Esprit saint, pareil à une langue de feu s’empare de mon être : que m’importe le feu des projecteurs !
Je goûte en effet déjà au prémices du jour où les rayons guérissant du soleil de mon Dieu, me verront bondir de joie comme un veau libéré de son étable au printemps. Cette joie de passer de l’ombre à la lumière !
Amen!
Prédication du pasteur Marc Rossier, prononcée à Grandchamp, le 14 novembre 2010, extrait du site http://predications.centerblog.net/
