L’histoire de Marthe et Marie est bien connue. Elle suit la parabole du bon samaritain
qui parle de notre relation avec ceux qui nous entourent.
Le récit de Marthe et Marie est centré sur notre relation à Dieu.
En quelques mots, rappelons-nous qui sont ces deux femmes :
Que savons-nous de Marthe ?
Elle est la sœur de Marie et de Lazare. Nous savons aussi que sa foi est grande
puisqu’elle a confessé « oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu,
qui devait venir dans le monde ». Et elle est prête à servir aussi puisqu’elle ouvre sa
maison à Jésus et à ses disciples.
Que savons-nous de Marie ?
Dans le récit de la résurrection de Lazare, elle reproche à Jésus son absence car lui
présent son frère ne serait pas mort, elle a donc foi en lui.
Puis, on la retrouve à Béthanie où elle répand du parfum sur les pieds de Jésus. Elle
témoigne son amour et sa foi en lui.
Et Jésus nous dit que son témoignage demeurera éternellement.
Nous avons donc deux femmes qui aimaient Jésus, qui avaient foi en lui et qui
étaient prêtes à la servir.
Marthe s’affaire à la cuisine et Marie au pied de Jésus l’écoute. Deux sœurs et deux
manières de s’engager dans la foi. L’une s’active, organise et l’autre écoute et
médite.
Comme auditeur de ce récit, nous sommes interpellés, à la croisée des chemins.
Quelle est notre relation à Dieu ?
Quelle est la voie que nous privilégions dans notre vie de foi ?
Etes-vous une personne qui s’engage au travers d’actes concrets, au service de
l’Eglise, au service de la foi ?
Etes-vous une personne qui s’engage au travers de la méditation et de la prière ?
Etes-vous une personne qui s’engage au travers de l’action et de la contemplation?
Cette réflexion est aussi valable en dehors de l’Eglise.
Qui êtes-vous dans la vie de tous les jours?
Etes-vous une personne très active, toujours en mouvement, engagée dans
différents groupes ?
Etes-vous une personne qui observe, qui écoute, assise au chevet de la société, plus
dans la réflexion ?
Faut-il opposer ces deux façons d’être et de vivre ou faut-il les conjuguer ? Sont-elles
complémentaires ?
Je ne pense pas que le texte biblique les oppose. Je ne pense pas que Luc cherche
à distinguer une Marie qui médite et une Marthe qui sert. Luc nous raconte l’histoire
d’une Marie qui écoute et une Marthe qui s’épuise à exercer l’hospitalité.
Luc reconnaît ainsi, par l’exemple de Marie, une place aux femmes dans la
communauté, à recevoir un enseignement, ce qui n’est pas si commun à l’époque et,
par l’image de Marthe, il rappelle le besoin du service et le danger d’épuiser toute
son énergie dans la diaconie.
Le service est indispensable, comme l’atteste la collaboration de la belle-mère de
Pierre ou celle des accompagnatrices de Jésus (8,1-3). Toutefois, ce ministère ne
doit pas être séparé de la foi.
Luc nous rappelle la priorité de la parole de Dieu et de son écoute.
Seule la foi, à ses yeux, permet de comprendre qu’avant de servir, nous devons
accepter d’être servis par le Christ.
Jésus ne doute pas un instant du désir de servir de Marthe, ni de la nécessité des
tâches domestiques. Il lui propose de faire une chose après l’autre. La priorité revient
à l’écoute de la Parole de Dieu, à la halte, au geste de s’asseoir ; elle consiste à ne
pas vouloir précéder le Seigneur, à accepter d’être servie avant de servir. De
recevoir avant de donner.
Telle est la « bonne part », qui correspond au désir et au besoin de tous.
Marie, la silencieuse incarne cette attention et cette foi prioritaire, qui vient d’abord.
Il n’y a pas de bonne part et de mauvaise part. Il y a juste une bonne part.
Jésus ne demande pas à Marthe de renoncer à l’hospitalité ou au service des tables.
Jésus veut la soulager non de son service, mais de ce qui lui ôte sa joie et son
rayonnement : la peur d’être seule au travail, l’impression que tout le poids repose
sur ses épaules et le sentiment que Dieu est inactif et que tout ne repose qu’entre
ses mains.
Ne vous arrive-t-il jamais de partager ce sentiment de Marthe, de vous sentir bien
seule dans ce que vous faites ou de vous sentir trop chargée pour réussir à rayonner
en plus, d’oublier que la joie était première dans votre envie de vous engager?
Luc nous suggère simplement d’être d’abord Marie, puis de devenir Marthe, mais
une Marthe soulagée par le Seigneur et entourée de ses frères et sœurs dans la foi.
La part choisie par Marie, c’est la présence du Seigneur et l’écoute de sa parole.
Cette part ne lui sera pas ôtée.
Ne vous arrive-t-il pas de ressentir cette bonne part quelques fois dans l’écoute
communautaire de la Parole ?
Je vous ai proposé tout à l’heure de vous poser la question, de réfléchir à votre part
de Marthe ou et de Marie dans votre vie de tout les jours et dans votre vie de foi.
J’aimerais poser cette même question à notre Eglise d’aujourd’hui : est-elle plutôt
Marthe ? Est-elle plutôt Marie ? Est-elle dans l’écoute, la halte ou dans les multiples
tâches à faire ?
Transmet-elle sa joie d’être témoin d’une Parole, aux côtés de ceux qui espèrent et
qui cherchent un sens à leur vie, aux côtés de ceux qui peinent et qui souffrent,
accompagnante, ou s’essouffle-t-elle dans des réformes internes ?
Comment notre Eglise est-elle perçue dans la société civile, parmi nos
contemporains ? Qu’elle est sa saveur, sa valeur pour nos autorités et pour monsieur
et madame tout le monde ?
Quelle bonne part apporte-t-elle aujourd’hui ?
Le côté Marthe de notre Eglise est reconnu d’une façon générale ; on salue le travail
du Centre Social Protestant par exemple et toutes les activités de type social en
général.
Nous avons eu à cœur de montrer que notre foi se traduit en gestes concrets, que
l’amour de Dieu s’incarne, qu’il doit se vivre entre nous en paroles et en actes. Nous
nous efforçons d’être une Eglise au service de la population neuchâteloise, au
travers de nos aumôneries à l’hôpital, dans la rue, dans les prisons, à l’école, dans
les homes et d’autres façons.
Qu’en est-il de notre côté Marie ? Quelle est la part d’écoute et quelle forme
donnons-nous à notre témoignage ? Quel message apportons-nous dans la société,
quelle espérance partageons-nous avec notre prochain ? Quels lieux d’écoute, de
halte, proposons-nous ?
Je crois que nous sommes appelés à être une Eglise de témoins. Témoins non pas
d’une pratique ou d’une doctrine mais d’une Parole susceptible de parler à notre
propre histoire et de proposer un espace d’écoute. Je m’explique :
Quand nous écoutons pleinement la Parole de Dieu, nous rencontrons le Christ et de
cela nous pouvons être témoins, c’est cela qui est notre bonne part et que nous
pouvons partager.
Partager notre spiritualité. Témoigner de ce que nous croyons et en qui nous
croyons. Une Marthe qui a d’abord été nourrie par le Christ et qui ne s’épuise plus
dans le travail ni ne se sentant abandonnée,
Une Marie qui par son écoute de la Parole laisse l’infini de Dieu venir habiter sa
finitude et témoigne de ce qui donne du sens à sa vie, de celui qui donne du sens à
sa vie, de celui qui lui donne la vie.
N’y avait-il pas une Marie au pied de la croix de Jésus, faisant œuvre d’amour par sa
présence.
N’est-ce pas une Marie qui a été envoyée vers les disciples pour leur dire de se
mettre en route pour rencontrer le Christ ressuscité.
Un écrivain a dit : l’homme moderne est certes religieux mais au fond il est sans foi, il
est croyant mais cependant ne croit (en) rien.
L’Eglise peut-elle lui offrir des lieux communautaires d’écoute de l’Evangile, des lieux
où partager ses questions, ses joies et ses soucis, des lieux où rencontrer des
témoins partageant leur spiritualité et où vivre une relation à Dieu. Des lieux pour les
Marie et les Marthe en marche.
Marthe ou Marie qui cherche à dire sa foi, à vivre sa foi, à sa manière avec joie,
partageant une parole d’espérance qui donne à la vie une saveur particulière, une
saveur d’ici et d’ailleurs…et cette bonne part ne nous sera pas enlevée.
Amen
Ysabelle de Salis, pasteure, extrait du site www.eren.ch
