« Viens, suis-moi »

Au cours d’une rencontre avec des prêtres diocésains, l’un d’eux racontait que, dans sa paroisse, une femme ne s’autorisait pas à communier parce qu’elle avait épousé un homme divorcé ! Un jour, elle vient lui demander, à la sacristie, de célébrer une messe pour l’anniversaire de la mort de son fils.  Au cours de la conversation, le prêtre lui dit que l’amour qu’elle avait porté à son mari et à leurs enfants la libérerait de tout interdiction de communier. Dans sa sagesse, cette femme, connaissant bien l’intention de son curé lui dit, comme pour le consoler : »Ne vous en faites pas, quand ma voisine reviens de communier, sans qu’elle s’en aperçoive, je touche le bord de son manteau et cela me suffit. »

À mon avis, les paroles de cette femme illustre très bien le passage de l’Évangile de Jean que nous venons d’entendre. Elle vivait dans le Christ, elle demeurait en Lui. Être privée de l’Eucharistie ne l’empêchait pas de communier à la vie du Christ, à son amour. Elle était un sarment greffé sur la vigne.

Dans ce passage de Jean, le mot « demeurer » revient huit fois et cinq fois celui de « porter du fruit ». Cette insistance du Christ a son importance, elle éclaire ce que nous devons être et ce que nous devons faire. Et Jésus nous dit : « Si vous voulez être mes disciples, rappelez-vous que sans moi, vous ne pouvez rien faire ».

Le chrétien n’est pas un électron libre, il est un sarment attaché à la vigne, recevant d’elle sa vie, il est dans l’obéissance au Christ.

À Noël, nous chantons l’Emmanuel, Dieu avec nous, Dieu en nous.  Trop souvent nous le cherchons ailleurs : « Où est ton trésor, là aussi sera ton cœur ! » nous dit Jésus en Saint-Mathieu.

Mais nous perdons beaucoup de temps, nous nous enfuyons dans la parodie, le dérisoire, le toc, le superficiel, et, le soir venu, nous nous retrouvons misérables et comme abandonnés à nous-mêmes.

Écoutons ce que disait Madeleine Delbrêl : « Si tu vas au bout du monde, tu trouveras les traces de Dieu. Mais si tu vas au fond de toi, tu trouveras Dieu lui-même. »

« Demeurez en moi ! » :  nous sommes ici au centre du mystère chrétien qui se définit essentiellement par une  » intériorité ». Il nous faut apprendre à goûter la beauté et la profondeur de ce mot : « Demeurez », tout ce qu’il implique, de recherche, de permanence, de solitude dans la présence de Dieu.

C’est seulement ainsi que nous porterons du fruit. Ce fruit n’est autre que celui de l’amour de l’humilité dans l’amour. Aimer l’autre, les autres, les aimer simplement et en vérité. Cela exige souvent beaucoup de renoncement, et parfois, il s’agit même d’un passage par la Croix. On parle tout le temps d’amour, mais c’est difficile d’aimer. Pourtant notre vocation première et de ménager en nos cœurs la place de l’autre, y compris et surtout, la place de celui ou celle que nous n’aimons pas. Je le redis, nous fuyons pour nous retrouver dans notre petit coin tranquille, à l’abri des appels de ceux qui ont besoin de nous.

Rappelons-nous toujours que Dieu agit dans la faiblesse, la vulnérabilité, dans la pauvreté et l’humilité du cœur. Il agit souvent par des personnes qui ne présentent aucune importance aux yeux du monde, des gens rejetés, mis à l’écart, et qu’on ne remarque même plus, il agit par des gens marqués par le vice, c’est aussi avec tous ces gens qu’Il annonce son Royaume et la Bonne Nouvelle au monde.

« Demeurer en moi » et « porter du fruit », c’est tout un : il est impossible de séparer l’un de l’autre.

« Chercher Dieu » ou « Servir les hommes », beaucoup de chrétiens posent cette question comme une alternative. « Montre-moi ta face et je serai sauvé » chantons nous dans un psaume. Et le Seigneur nous répond : « J’ai vu la misère de mon peuple, j’ai entendu son cri et je suis descendu. »

« Viens, suis-moi » : paroles difficile à entendre car c’est une toute petite voix, très ténue, qui la prononce.

Nul ne va à Dieu s’il ne passe par l’homme et par tous ceux qui partagent notre quotidien. C’est la finale de la règle de Saint-Benoît propos des moines : » Ils ne préféreront absolument rien à l’amour du Christ : daigne celui-ci nous conduire tous ensemble à la vie éternelle. » Et cette parole s’adresse à tous les hommes de bonne volonté. Amen

Frère Michel, Moine du Bec, extrait du site https://abbayedubec.org/

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